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Une œuvre de Nicolas Ducret Editions Transboréal

Cavalier des steppes

À travers les montagnes d’Asie centrale
9782361571023
Prix 20,90 € Disponible EAN : 9782361571023
ISBN : 978-2-36157-102-3
ISSN : 1633-9916

Cavalier émérite amateur de voltige cosaque, Nicolas Ducret s’est lancé le défi de traverser l’Asie centrale à cheval. Parti seul des contreforts de l’Altaï avec un étalon et un hongre de bât, il chemine sur plus de 3 000 kilomètres, franchissant les monts Célestes et les chaînes du Pamir et de l’Hindu Kush. De l’aridité des steppes kazakhes aux riantes montagnes kirghizes, des plateaux tadjiks balayés par le vent aux vallées afghanes baignées de soleil, il s’aventure sur des terres mythiques marquées par les conquêtes successives, et découvre des peuples à la fois généreux, aguerris et libres. Après six mois de chevauchée, la caravane entre dans Kaboul, où le voyageur dispute une partie de bouzkachi, le célèbre jeu équestre décrit par Kessel dans Les Cavaliers.

Ire partie – Kazakhstan
De Soldatovo à Kegen (2 mai – 15 juillet 2007)
1. Les chevaux de l’Altaï
2. En selle !
3. Au temps des Soviets
4. Dans les steppes d’Asie centrale
5. À travers les monts du Tarbagataï
6. Good-bye Lénine
7. Dérive au Mogholistan
8. L’usure du monde


IIe partie – Kirghizistan
De Karakol à Sary Tash (15 juillet – 15 septembre 2007)
9. Au carrefour du Turkestan
10. Les voies célestes
11. Voyage au Barattistan
12. Égaré dans l’empire des mirages
13. Essoufflement
14. À la recherche du temps perdu


IIIe partie – Tadjikistan
Du col de Kyzyl Art à Ishkashim (15 septembre – 10 octobre 2007)
15. La caravane des cimes
16. Avec les Perses de Transoxiane
17. Aux sources de l’Oxus


IVe partie – Afghanistan
De Sultan Ishkashim à Kaboul (10 octobre – 20 novembre 2007)
18. Piaffements
19. En pays perdu
20. Les tigres de l’Hindu Kush
21. Combattants de l’insolence
22. La longue marche
23. L’ultime bouzkachi

En selle//Un matin de juin, après deux semaines d’attente et beaucoup d’errance, le passeport vétérinaire arrive enfin. Tout est réglé. Ma retraite dans l’Altaï s’achève. Le chef de la police revient m’offrir comme promis une cravache en cuir tressé, sorte de kamtcha mongole : “Tiens ! C’est pour atteindre plus rapidement l’Afghanistan.”
Je rassemble rapidement mes affaires et harnache les chevaux. Je bâte le sept ans et selle la monture diplomatique. C’est la première fois que je lui fixe les sacoches chargées. Apeuré d’être ainsi pris en sandwich, il rue, tire sur la longe et parvient à coups de sauts de mouton à en décrocher partiellement une, qui pend sur l’un de ses flancs. Les Kazakhs se mettent à ronronner à l’unisson, technique pour calmer une bête énervée. Je le rattrape, le débâte et recommence l’opération en le gardant libre. Quand on lui laisse la liberté de fuir – principal moyen de défense des chevaux –, son appréhension diminue. Je fixe de nouveau les sacoches, qu’il accepte sans broncher.
Alexeï, Bokhat et Akhat se sont réunis avec leurs épouses pour le départ. Alexeï me donne les dernières recommandations, quelques astuces d’agent de renseignement pour bluffer l’adversaire et une peau de mouton brun pour que mon postérieur supporte les kilomètres. J’aurais préféré une peau de loup, qui m’aurait donné un petit air d’Alexandre le Grand – bien que ce dernier fût assis sur une peau de guépard. Mais la peau de mouton est un bon début ! Tatiana me remet une pierre turquoise censée me porter bonheur. Je prends un dernier thé puis monte en selle. Davaï ! La voie est libre, et je m’engouffre sur les pistes du Turkestan.
Les démons de l’aventure vont enfin être rassasiés. Ils ne me rongeront plus de l’intérieur. Je regarde, le vague à l’âme, la ferme qui se perd dans le paysage, tous ces gens qui m’ont accueilli sans me connaître et que je ne reverrai peut-être jamais. Quittant mon havre, je hurle de bonheur, ivre de la joie de me sentir l’homme le plus libre du monde. Cela fait longtemps que je n’ai pas été aussi heureux. Je deviens un peu plus cheval. Désormais, je passerai la plupart de mes journées en selle. Mon lot quotidien sera les vastes steppes, les montagnes aux sommets enneigés et les aventures de la route. Enfin les mois d’errance, sur des pistes inconnues, avec mes chevaux pour seuls compagnons !//p. 30-31

En vue des Tian Shan//Nous parcourons pendant trois jours ces steppes désolées. Les chevaux avancent sans mesurer l’espace, ils affrontent les kilomètres en quête d’herbe, en quête d’eau, raclant l’horizon qui s’étale sans vergogne jusqu’aux premiers pics des Tian Shan. Ces quêtes font naître, à la nuit tombante, des mirages : les belles herbes qui affleurent les marécages créent l’illusion d’une prairie opulente, mais nos chevaux s’y engluent jusqu’au ventre ; les pierres scintillantes des rivières asséchées nous font croire que l’eau y abonde. Sur la route des illusions, nous confondons autos et vaches, villages et troupeaux, hommes et pierres.
Au village d’Ak Beijit, nous quittons les routes de la soie. Rien ne sert de courir après les rêves. Nous fuyons dans les montagnes et les gorges éloignées en direction de la vallée de l’Arpa, voie d’accès aux plaines chaudes et fertiles du Ferghana. Nous suivons les rivières asséchées qui tracent un sillon dans les montagnes et abreuvent les vallées rocailleuses à la fonte des neiges. Au mois d’août, l’herbe est sèche. Nos chevaux avancent vers des territoires plus prospères. Seuls le spectacle des adrets verdoyants et l’espoir qu’après le désert, il ne peut y avoir qu’une herbe grasse, les incitent à poursuivre toujours plus avant cette aventure.
La vallée de l’Arpa est un immense plateau, qui s’étire à l’est vers la chaîne du Ferghana et est bordé au sud par les cimes enneigées des Tian Shan qui dessinent la frontière avec la Chine. Au sortir d’une vallée dérobée se trouve un poste avancé aux confins de l’empire, à l’allure de bivouac de berger. On y pratique la chasse aux clandestins et on piège ceux qui tentent d’y pénétrer par des voies dérobées. Un militaire posté en haut d’une colline scrute le monde à travers ses jumelles, pendant que les autres patrouillent autour d’une tente rectangulaire. Leur campement est installé juste après un virage de sorte que, dès que l’on débouche dans la vallée, il n’y a plus aucun moyen de l’éviter. À peine arrivés, nous sommes cueillis.
“Qu’est-ce qui se passe ?
— Passeport, nous ordonne un des hommes.
— Et toi, tu les as, tes papiers ?”
Avec leurs treillis dépenaillés et leurs têtes de trafiquants, je suis loin d’être certain d’avoir en face de moi des militaires. Car ici, bergers, militaires et marchands de chyrdak portent la même tenue de camouflage.
“Va chercher le fusil”, ordonne le chef à l’un de ses gars qui revient muni d’un AK47. C’est assez convaincant. “Descendez de cheval ! Attachez-les là-bas !” dit-il en indiquant les piquets de bois qui retiennent la tente.
L’attente étant un peu longue, Tsigane, Moujik II et Musicien des steppes se mettent à déraciner un à un les piquets. Nous les replantons aussi vite que possible avant que la tente ne s’écroule sur le chef, ce qui pourrait avoir des conséquences diplomatiques dramatiques. Ce dernier ne tarde pas à ressortir avec nos passeports : “Vous êtes ici dans une zone frontalière. Un de mes hommes va vous conduire auprès du poste central de Kargentash.”
Nous connaissions l’existence de ce poste, dont le franchissement requiert un permis. C’est pour cette raison que nous avons coupé par les montagnes. Mais il n’était pas prévu que nous tombions sur des gardes-frontière à cet endroit-là.//p. 179-181

Dans la solitude du Pamir//Je laisse mes chevaux boire un peu d’eau saumâtre puis nous quittons les rives du lac. Le plateau est sec, désolé. Le sol caillouteux se fragmente en poussière. Sable, terre et roc se mêlent. Je contourne pendant des heures une montagne épaisse, ocre, géante, dont la base s’étire sur des kilomètres. N’est-elle pas en mouvement ? À chaque regard que je jette en arrière, l’impression que je n’ai pas bougé me décourage. Marche lente sur le tapis des pierres. Comment des hommes peuvent-ils vivre ici ? Quel chef a pu un jour avoir l’idée de mener son peuple dans un tel territoire ? Dans ce pays de la démesure, les hommes ne sont que poussières offertes aux caprices et à la rudesse du climat. L’humain s’efforce d’y trouver une place qu’il n’a pas, d’y maintenir coûte que coûte sa présence. La nature y est belle, mais si peu généreuse ! Le Pamir n’est qu’un plateau glacé sept mois par an où les températures hivernales oscillent entre – 25 et – 40 °C, où les étés sont courts, l’herbe rare, la terre inadaptée à la culture. Pourtant, cette région, aussi inhospitalière soit-elle, est peuplée depuis onze mille ans. Des peintures rupestres attestent l’existence de tribus de chasseurs-cueilleurs depuis le VIIIe siècle av. J.-C. À l’âge du bronze, comme l’explique Anne Dambricourt-Malassé, le réchauffement climatique, en modifiant les paysages, a entraîné l’arrivée de nouvelles tribus, des pasteurs nomades comme les Sakas, en provenance de la Haute-Asie.
Les chevaux respirent lentement et avancent d’un pas cadencé, scrutant l’horizon à la recherche d’une goutte d’eau. Le scintillement de la glace formée dans l’humidité des cours d’eau asséchés les trompe. Ils pressent le pas à la vue de ces reflets d’argent, puis grattent rageusement du sabot le lit asséché de la rivière, brisant la glace et reniflant bruyamment, avant de soupirer de détresse et de reprendre la route. Même les rivières de fonte sont rares dans ces terres d’altitude.
Je m’engouffre plein ouest dans le désert. L’unique végétation se résume à l’herbe brûlée des bords de rivière et aux buissons qui s’épanouissent lentement et que les hommes arrachent si vite : le tersken, maquis d’altitude à croissance lente, une plante qui atteint péniblement 30 centimètres en une soixantaine d’années, constitue l’un des seuls combustibles de ces zones de haute montagne. Je croise un camion Zil revenant des plateaux éloignés, la benne remplie de tersken. Chaque année, les hommes se rendent de plus en plus loin pour piller les déserts de haute altitude de la seule végétation capable de s’y développer. À l’époque soviétique, électricité et gaz arrivaient dans les villages et les éleveurs de yacks vivant sous la yourte recevaient de l’État une ration de charbon. Aujourd’hui, dans les villages éloignés, plus rien ne fonctionne : il n’y a plus que le tersken pour se chauffer et cuisiner.
J’avance des jours durant dans la solitude, au sein d’un monde dénué de vie, où l’on regarde au loin tout en sachant que l’horizon ne dévoilera rien de nouveau sur des kilomètres. Parfois on divague, on se prend à voir des humains là où il n’y a que rochers. On croit entendre une clameur, alors que ce n’est que la rumeur du vide. Gabriel Bonvalot confiait : “Sans doute vous avez soupiré après la solitude, souhaité vivre au désert, ou du moins à l’écart, lorsque vous étiez fatigués, harassés parmi les mille devoirs que la société vous impose. Eh bien, ici c’est le contraire, nos gens sont las d’être seuls, las du désert et des longues marches sans rien voir, pas même la fumée d’un feu. Ils sont affolés par le silence, ils sont abattus parce qu’ils n’entendent aucun des bruits que font les troupeaux humains, et vraiment ils en ont assez de ce plateau monotone où pas un homme ne montre sa face, où les oreilles n’entendent parler que le vent impitoyable.”
La solitude peut rendre fou. Quitter les hommes me plonge dans une douce démence au fil des jours. Parfois, je romps le silence pour m’entretenir avec mes chevaux. Je leur propose les conclusions hâtives de mes réflexions. Ils me jettent des regards attristés en soupirant de détresse. Est-ce leur cavalier qu’ils jugent accablant ou me lancent-ils ces signaux navrés à cause de ce désert où ils n’ont pas leur place ?
Pour passer le temps, je chante Les Partisans blancs, La Cavalcade, Le Chant des marais. Pas un seul chant gai. Complaintes de vie et de mort qui s’agrippent aux montagnes. Peut-être parce qu’aux paysages austères ne s’accordent que des chants mélancoliques.
Un soir, je ne trouve que des lacs salés, qui creusent une terre aux eaux stagnantes, couverte de concrétions. Je les longe longtemps, puis plante ma tente en amont, là où les eaux ne sont que faiblement salines. Je m’allonge au sol, la tête contre la selle, et rêvasse sous les cieux illuminés par les astres. Aucun bruit ne rompt l’immortelle quiétude du lieu. Je pense à la vie équestre et à l’ivresse qu’elle procure. Les longues journées de chevauchée, les haltes apaisantes, les kilomètres parcourus. Y a-t-il meilleure destinée que de découvrir le monde le cul sur une selle ?//p. 267-269

Un bouzkachi en guise d’adieux//Kaboul et l’Afghanistan font l’objet d’une étonnante séduction, qui ne s’est jamais émoussée au fil du temps. Au XVIe siècle, l’empereur de la dynastie moghole Bâbur fit de Kaboul sa capitale et, quand il partit pour l’Inde, il regretta à jamais les charmes de cette antique cité. Les hippies des années 1970 en route pour Katmandou en firent une escale dans leur quête orientale. On y croisait à cette époque des utopistes et des penseurs, vêtus à l’afghane, qui refaisaient le monde assis en rond sur des tapis, en buvant du thé et en écoutant les derniers tubes londoniens. Puis vinrent les années noires : vingt ans de guerre rongèrent le pays. Kaboul devint un cauchemar. En 2001, l’Afghanistan se libérait du joug taliban et Kaboul renaissait. Les cerfs-volants se sont remis à voler et la musique à résonner. Tous les espoirs étaient permis. L’avenir était à construire. L’argent arrivait en pagaille. Kaboul entra en pleine effervescence. La fascination exercée par l’Afghanistan fit venir travailleurs internationaux, humanitaires, journalistes, hommes d’affaires, idéalistes et passionnés, tous rêvant aux paysages sublimes de l’Afghanistan et à ses hommes aux gueules de héros sortis d’un monde plus grand que nature. La vie y était trépidante. Tout le monde y croyait et tout allait vite. Mais depuis 2007, le désenchantement s’est emparé des Kaboulis. Chacun doute. Où va l’Afghanistan ? Les attentats, les enlèvements, l’insécurité, les rumeurs concernant le retour des islamistes provoquent l’inquiétude. Jusqu’à quand Kaboul sera-t-il tenu ? Les talibans sont aux portes de la ville, y murmure-t-on maintenant.

C’est le roi Zaher Shah, qui vivait dans le palais de Darulaman aujourd’hui partiellement détruit, dans les quartiers ouest, qui lança, pour unir le peuple afghan, la tradition du bouzkachi. Le jeu se tint pendant des années à Kaboul à la mi-octobre. Mais le dernier roi d’Afghanistan est mort en juillet 2007. Cette année, le “bouzkachi du roi” n’aura donc pas lieu. Dans quelques jours se tient néanmoins le premier jeu de la saison. Au stade de Ghazni, l’équipe de Kaboul s’entraîne depuis des semaines, attendant patiemment le début des parties. La chaleur écrasante de l’été a laissé place aux premières fraîcheurs de l’automne. Les chevaux trépignent de nervosité et d’énergie. Et les tchopendoz n’attendent qu’une chose : entrer dans l’arène et s’affronter des heures durant pour décrocher les honneurs.
Le 2 novembre, jour de l’ouverture, des dizaines de cavaliers se rassemblent sur un terrain vague aux portes de Kaboul. Le veau que Louis a acheté a été décapité. Il pèse près de 50 kilos. Un vieil homme monté sur un cheval alezan appelle les concurrents de sa voix cassée : “Tchopendoz ha’hala. Tchopendoz ha’hala.”
Le jeu débute. Le veau sans tête est déposé au centre d’un cercle tracé en blanc sur la terre. Une quarantaine de cavaliers se regroupent. Au signal de l’arbitre, les cavaliers fondent sur la dépouille. Bientôt, les tchopendoz hurlent et les chevaux se percutent avec violence. Une mêlée se forme. Les chevaux poussent, mordent, hennissent. L’ardeur des étalons est décuplée par l’excitation. Certains se cabrent pour créer des brèches, pendant que d’autres s’y engouffrent pour se rapprocher du veau. Les cavaliers s’égosillent de fougue et de rage. Les fouets s’abattent sur les croupes, les encolures, les adversaires. La mêlée se mue en une tornade de rugissements, de poussière, de sueur et de sang. Comme tous les tchopendoz, Louis a revêtu une tunique en toile épaisse, a chaussé de lourdes bottes en cuir et enfoncé une toque en fourrure sur sa tête. Certains ont remplacé la toque par un casque de tankiste. Depuis trois ans, Louis dispute les matchs dans l’équipe de Kaboul. Sur son étalon cerise, il entre en force dans la mêlée, se bat, plonge vers le veau et tente de saisir l’animal. Mais la lutte est âpre, désordonnée et brutale. Un concurrent parvient à saisir la patte du veau puis, sans le remonter, précipite son cheval à l’extérieur de la mêlée, traînant le corps au sol. Son étalon se fraie un chemin en repoussant ses adversaires avec force. Rien ne semble pouvoir freiner la course de sa monture. Le cavalier hisse le veau et le coince sous sa cuisse. Il est lancé au galop, poursuivi par une dizaine de tchopendoz. Il doit atteindre le fanion disposé à l’opposé du cercle de justice, en faire le tour puis revenir déposer la carcasse dans le cercle initial. Celui qui marquera le point remportera la prime de 100 dollars. Dès qu’il a passé le fanion, des cavaliers se ruent sur lui avec toujours plus d’acharnement, l’encerclent et le bloquent. Lancé à pleine vitesse, il parvient à s’arracher encore à l’emprise de ses adversaires. Il galope à bride abattue. Je le prends de côté avec Musicien des steppes. Nos trajectoires se croisent. Les deux chevaux se heurtent violemment, à pleine vitesse. Son cheval puissant, emporté par son élan, a à peine dévié de sa trajectoire. Déjà, d’autres cavaliers l’encerclent. La cravache coincée entre les dents, les tchopendoz essaient d’attraper une patte, la queue, un bout du veau, à l’aide duquel ils pourront tirer pour s’emparer de l’animal. Et la mêlée reprend. Celui qui attrapera la proie n’aura plus que quelques mètres à faire pour rejoindre le cercle de justice et y jeter le veau sans tête. La lutte dure, redoublant de férocité. La victoire n’est pas loin.
Le jeu se poursuit ainsi pendant plus de deux heures, seulement entrecoupé de quelques courtes pauses. Des centaines d’hommes regardent le spectacle avec passion. Chevaux et cavaliers s’essoufflent. Les visages sont accablés de fatigue. Un trou se forme dans la mêlée et Louis me lance : “Vas-y ! Fonce !” Je me fraie un chemin, m’arrête au-dessus du corps inerte et me penche pour l’attraper. Le répit est bref. La mêlée se referme déjà, les chevaux poussent, viennent au contact. L’échauffourée reprend. Les tchopendoz fouettent violemment de tous côtés. Dans la furie générale, je prends un coup de pied au nez. Je m’écarte pour ne pas être réduit en charpie. Impossible de contrer de tels adversaires.

Sur la colline aux cerfs-volants, nous embrassons Kaboul du regard. Charlotte et Hélène, deux cavalières que la cause afghane a attirées dans la poudrière, m’accompagnent. Tsigane, Musicien des steppes et Jehran Cashqua sont là. Des dizaines de cerfs-volants tournoient dans le ciel. Ma chevauchée prend fin. Mes chevaux rejoignent ceux de Rahili, un tchopendoz de Kaboul. Ému, j’échange avec eux un dernier regard. Tsigane hennit doucement. A-t-il senti lui aussi que plus rien désormais ne sera comme ces longs mois vécus ensemble ? J’en suis convaincu. Une nouvelle vie nous attend. Demain je rentre en France.
Rasta nabashi, “Ne sois jamais fatigué” ! La terre offre de bien beaux terrains d’aventure.//p. 384-387

Coralie Le Rasle, Carnets d’aventures n° 31, mars-mai 2013 : « Parti des contreforts kazakhs de l’Altaï, Nicolas Ducret a rallié en six mois Kaboul, en Afghanistan, en traversant le Kirghizistan puis le Tadjikistan. C’était en 2007. Les steppes dont parle Nicolas ne sont pas peuplées que de nomades au grand cœur, il porte un regard franc sur les rencontres qu’il fait, parfois dur même. Mais plus on l’accompagne dans sa chevauchée, mieux l’on croit connaître et comprendre ces contrées et ce qui peut y attirer le voyageur : des étendues à perte de vue dans lesquelles on s’oriente à la boussole, des vallées encaissées dont les cols ne sont même pas indiqués sur les cartes, des familles qui tuent le mouton en votre honneur parce qu’elles perpétuent les traditions d’hospitalité et d’entraide de ces régions où la vie est rude, et d’autres rencontres qu’il aurait préféré éviter… C’est aussi un dialogue avec les chevaux, fidèles compagnons qui imposent leur rythme au cavalier nomade. L’arrivée en Afghanistan et la traversée jusqu’à Kaboul sont tellement épiques qu’on se surprend à espérer une conclusion heureuse. Ce récit beau et passionnant se dévore et pousse vraiment à la cavalcade ! » Irina Doulkina, www.lecourrierderussie.com, le 16 juillet 2012 : « De son périple, Nicolas Ducret ressort avec la conviction de devoir toujours mener ses rêves à bon port et de ne jamais se laisser décourager. “Tout au long de mon voyage, j’ai croisé des gens qui m’assuraient que je tentais l’impossible”, se souvient-il. Impossible, disaient-ils, pour un Français, d’aller à cheval jusqu’à Kaboul sans être attaqué par un ours, dévoré par un loup, égorgé par un bandit de grand chemin ou, au mieux, dépouillé par des ivrognes désespérés. Des représentants de la dernière espèce l’ont effectivement assailli, un jour, quelque part entre le Kirghizistan et le Tadjikistan, pour tenter de lui voler montures et bagages. Mais quelques coups de cravache ont suffi à les décourager. Et les heureuses rencontres ont été autrement plus nombreuses. Si des rencontres ponctuent son voyage, Nicolas Ducret avance, la plupart du temps, seul – sur le dos d’un cheval, en menant un autre à ses côtés, chargé des bagages. Ondulant sur sa selle, il tourne les pages d’un roman de Dostoïevski. “J’ai lu Les Frères Karamazov lors de ma chevauchée, confie-t-il. On a, en voyage, beaucoup de temps pour réfléchir – et Dostoïevski y offre mille occasions.” Ses chevaux vont au pas, parcourant en moyenne 35 km par jour. “Nous avions un accord, moi et mes chevaux, précise le cavalier. Le jour, ils avançaient sagement sans se laisser tenter par l’un ou l’autre buisson à 19 mètres du chemin et, le soir, je leur trouvais une clairière pour brouter à discrétion.” Monté pour la première fois sur un cheval à 6 ans, Nicolas Ducret, à 30 ans, sait à merveille établir une relation de confiance avec la bête. “Il n’y a pas de chevaux incapables. Ce que l’on ne pourrait pas dire des cavaliers, estime-t-il. Il appartient au cavalier de sentir la nature d’un cheval et de lui expliquer correctement ce qu’il veut.” À Kaboul, Nicolas Ducret vend ses chevaux, s’installe chez un ami et dort pendant toute une semaine avant de repartir en France. Bilan : une série de photos remarquables, le livre Cavalier des steppes que le voyageur rédige une fois de retour et une connaissance de soi plus profonde, acquise au prix d’épreuves successives – but véritable de tous les voyages entrepris par les hommes depuis la nuit des temps, Ulysse le premier. » Un internaute, www.fnac.com, le 23 septembre 2010 : « Découverte des paysages et des habitants de l’Asie centrale ; un voyage magnifique et une aventure passionnante. » Roger Gay & Chantal Gleyses, Cheval pratique n° 242, mai 2010 : « Une vraie aventure que cette longue chevauchée dans quatre pays d’Asie centrale, du Kazakhstan à l’Afghanistan en passant par le Kirghizistan et le Tadjikistan. Seul avec deux chevaux, Nicolas Ducret parcourt 3 000 km de mai à novembre 2007. Si le périple garde un peu du charme des caravanes d’antan, on est bien loin d’un voyage touristique. Ses jours et ses nuits, il faut les passer le plus souvent à résister au soleil, à la faim, à la peur. Dans ces territoires coincés entre la Russie et la Chine, hommes et femmes survivent comme ils le peuvent. L’auteur décrit minutieusement le quotidien de ces peuples jadis cavaliers, où l’hospitalité reste encore une tradition, retraçant leur histoire, déplorant les désastres écologiques et expliquant l’impact des politiques et des religions. De multiples rencontres rythment cette longue marche, en général chaleureuses, parfois angoissantes. Certaines fermes ressemblent à un “cauchemar de vagabonds”, mélange de “cour des miracles, de camp d’exilés et d’hôpital psychiatrique”. Pour Tsigane et Musicien des steppes aussi, le voyage est rude, quand l’herbe manque et qu’ils doivent se contenter de l’orge qu’ils transportent. Les deux chevaux arriveront pourtant à Kaboul à temps pour disputer le bouzkachi, ce jeu que les Afghans doivent aux hordes mongoles de Gengis Khan. » Pierre, www.fnac.com, le 15 avril 2010 : « J’ai découvert ce livre sur un présentoir de la Fnac, je l’ai acheté et l’ai dévoré. C’est un récit extraordinaire, raconté avec beaucoup d’ironie et de dérision. Et l’auteur a le mérite de ne pas parler que de lui, mais d’aborder aussi avec justesse la culture, l’histoire, la géopolitique de ces territoires. C’est jamais ennuyeux, il y a toujours quelques nouvelles rencontres ou histoires qui arrivent. Et traverser l’Afghanistan à cheval en solitaire, il faut le faire ! »

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